Période 4
Résumé
La crise économique des années 1970 et les restructurations du secteur de la sidérurgie qui ont suivi, ont mis un coup d’arrêt aux revendications relatives à l’amélioration du cadre de vie qui avaient pu être précédemment portées par certains élus de gauche et les syndicats de la Zone industrialo-portuaire (ZIP) de Fos.
Il a fallu attendre les années 2000 pour que deux projets industrialo-portuaires suscitent à nouveau les critiques. En 2002, le Port autonome de Marseille (PAM) et Gaz de France annoncent leur intention de construire un terminal méthanier en lieu et place du lido du Cavaou, une plage très fréquentée par les habitants de Fos-sur-Mer et les touristes. Les élus locaux, eux-mêmes, découvrent le dossier peu avant le début de l’enquête publique et peinent à faire entendre leurs demandes. La même année, un projet d’incinérateur d’ordures ménagère porté par la Communauté urbaine de Marseille (CUM) génère la même stupéfaction, quand des riverains découvrent fortuitement que le PAM prévoit de céder des terrains de la ZIP pour que l’usine concernée s’y installe. À Fos-sur-Mer et Port-Saint-Louis du Rhône, dont les habitations ne sont situées qu’à 2,5 km du site, les opposants s’organisent. Un réseau associatif se constitue pour contrer le projet. Consultations, pétitions, manifestations et recours juridiques se succèdent. Les habitants et les élus locaux unissent stratégiquement leurs forces contre ce qu’ils considèrent être une ingérence de la CUM, dirigée par d’autres forces politiques, sur leur territoire. Rien n’y fait. En 2005, la commission d’enquête publique rend un avis favorable. Malgré l’interruption momentanée des travaux en 2006 suite une décision de justice, le projet d’incinérateur est mené à son terme. Début 2010, il est mis en service.
Aujourd’hui, la ZIP de Fos compte, en plus des installations de fret, 14 usines pétrochimiques et métallurgiques de type Seveso II, un terminal méthanier et deux incinérateurs : un pour les déchets industriels et celui d’Evéré pour les ordures ménagères. Elle regroupe une des plus grandes concentrations d’usines à risque d’Europe. Si les fortes mobilisations qui ont suivi l’annonce de la relance industrialo portuaire des années 2000 n’ont pas empêché la réalisation des projets contestés, elles ont toutefois permis que soit enfin posée publiquement la question des conséquences environnementales et sanitaires du cumul des pollutions.
En 2007, des analyses d’échantillons d’air, eau et sol prélevés sur tout le territoire de la ZIP, hors sites industriels, avaient notamment été réalisées à la demande des élus locaux qui souhaitaient disposer d’informations générales, en plus des données d’émission par usine produites réglementairement. Les résultats ont permis d’identifier des dépassements de normes et quelques « points noirs » circonscrits. Une surveillance régulière et la mise en place de plans de gestions adaptés ont alors été recommandés. Sous la pression sociale, les élus décidèrent de fonder un Institut écocitoyen pour la connaissance des pollutions (IECP). Sa mission est de développer des savoirs sur les effets chroniques des activités industrielles en allant plus loin que les seuils règlementaires à partir notamment de recherches sur le vivant. Cette création, en 2011, marque une rupture significative avec les époques antérieures puisqu’elle ouvrit la voie à la mesure scientifique et citoyenne des pollutions dans le but de contraindre les autorités à agir pour réduire les pollutions.
Bibliographie
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