Période 3
Résumé
Des années 1950 aux années 1980, l’histoire de la région Fos-étang de Berre est marquée par des transformations de grande ampleur résultant de l’expansion occidentale des installations portuaires marseillaises et du développement des activités pétrolières le long de la côte. Du point de vue des décideurs qui souhaitent accompagner voire anticiper la croissance des trafics au sortir de la guerre, l’augmentation de la taille des tankers impose la recherche de sites d’accostage en eaux profondes. Leur regard se porte bientôt sur le golfe de Fos, seule zone susceptible de répondre à de telles exigences.
En 1949, la Chambre de commerce de Marseille réactive un dessein imaginé dès 1938 : créer un port pétrolier à Lavéra, au débouché du chenal de Caronte, qui pourrait alimenter les raffineries autour de l’étang de Berre. Grâce à l’octroi d’une concession et à des emprunts permettant le financement du chantier, la Chambre inaugure deux môles d’accostage en 1952, complétés par un troisième quai en 1959. Mais la capacité des infrastructures, calibrées sur les navires de 75 000 tonnes, s’avèrent insuffisantes pour accueillir les supertankers et pour soutenir la mise en service du pipeline Sud-Européen (1962) qui approvisionne, en pétrole brut, les raffineries d’Alsace et de la Ruhr. C’est ainsi que naît le projet d’une nouvelle extension portuaire dans le golfe de Fos. D’abord portée par les acteurs locaux, puis encouragée par l’État à partir de 1964 dans le cadre d’une politique d’aménagement du territoire pilotée par la DATAR, la création de cette zone industrialo-portuaire (ZIP) répond à des objectifs ambitieux de dimension euro-méditerranéenne, au moment où se construit le Marché commun de la CCE. À travers la captation des trafics de grand volume et la concentration d’industries lourdes sur le littoral, la ZIP de Fos est envisagée comme le contrepoids méridional du port de Rotterdam. Réalisée en pleine réorganisation de la gouvernance portuaire avec la création du Port autonome de Marseille en 1966 – chargé des bassins Est et de Lavéra-Fos –, l’opération connaît une série de succès : inauguration de postes pour supertankers (1968), lancement d’un terminal de conteneurs (1970), ouverture d’unités pétrochimiques (1972) et démarrage d’usines sidérurgiques (1973-1974) rythment les premières années du complexe, sur fond d’urbanisation hâtive et conflictuelle de la zone.
Mais la quête effrénée de croissance, soutenue par la rhétorique productiviste des Trente Glorieuses, génère ses propres limites – sous-dimensionnement des besoins résidentiels, des transports, des équipements socio-culturels et sanitaires – et cause de profondes turbulences. En aggravant les rejets de polluants atmosphériques ou maritimes, en perturbant l’équilibre des écosystèmes et en accentuant les risques sanitaires, les activités pétrochimiques et sidérurgiques suscitent toujours plus de réactions au sein de la population, au point de présenter Fos comme un « monstre de pollutions ». La critique écologique se télescope souvent avec la mobilisation sociale, a fortiori après les chocs pétroliers engendrés par les décisions de l’OPEP (1973), la révolution iranienne (1979) puis la guerre Iran-Irak (1980-1988). Balayant les projections optimistes à propos de la disponibilité d’une énergie fossile à bas coût, ces événements inaugurent l’ère du « pétrole cher » ; ils mettent un coup d’arrêt aux implantations industrielles au sein de la ZIP et précipitent la région dans une morosité économique au cours des années 1980-1990.
[Masquer le résumé]Bibliographie
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