Les dégâts environnementaux et sanitaires occasionnés par les rejets de ces usines suscitent de vives inquiétudes et des tensions. Des riverains envoient des pétitions au préfet, déposent des plaintes devant le tribunal civil d’Istres pour obtenir des compensations financières au nom des dommages matériels subis, des désagréments causés par les rejets industriels dans leur vie quotidienne ou de la perte de valeur de leur propriété et n’hésitent pas à mobiliser la presse locale – Le Sémaphore de Marseille, la Gazette du Midi, le Mémorial d’Aix – pour tenter de sensibiliser l’opinion et les pouvoirs publics à leur situation.
Les dégâts environnementaux et sanitaires occasionnés par les rejets de ces usines suscitent de vives inquiétudes et des tensions. Des riverains envoient des pétitions au préfet, déposent des plaintes devant le tribunal civil d’Istres pour obtenir des compensations financières au nom des dommages matériels subis, des désagréments causés par les rejets industriels dans leur vie quotidienne ou de la perte de valeur de leur propriété et n’hésitent pas à mobiliser la presse locale – Le Sémaphore de Marseille, la Gazette du Midi, le Mémorial d’Aix – pour tenter de sensibiliser l’opinion et les pouvoirs publics à leur situation.
L’originalité de la conflictualité qui se noue autour de Fos/étang-de-Berre, au regard des conflits similaires qui se sont produits dans le Midi méditerranéen, réside dans l’émergence de quelques figures de proue comme l’avocat septuagénaire Alexandre Duquesnay, royaliste, propriétaire d’un moulin à huile et ancien maire de Saint-Mitre (1816). À partir de 1830, il publie des interventions dans les colonnes du Sémaphore de Marseille et de la Gazette du Midi où il dénonce inlassablement les méfaits de l’industrialisme, l’impartialité des préfets successifs accusés d’être trop proches des industriels et interpelle la monarchie de Juillet, lui reprochant de n’écouter que « les hommes riches et en crédit » et de ne pas prêter assez attention « au bien être des habitants des campagnes » : « On serait tenté de croire qu’à ses yeux les agriculteurs ne sont pas des hommes ». L’autre grande originalité de la conflictualité qui émerge autour de Fos/étang-de-Berre au cours de la première moitié du XIXe siècle, réside dans le basculement de certains villageois dans l’illégalité. L’exaspération et le sentiment d’abandon provoquent des émeutes dans le village de Saint-Mitre où trois grandes crises de surmortalité sont imputées à l’usine de soude voisine du Plan d’Aren, fondée par Jean-Baptiste Chaptal et Amédée Berthollet fils des deux grands chimistes français. C’est le cas en septembre 1830, en mai 1832, en mai 1840, en février 1841, en avril 1844, en août 1845 et en mars 1846 où, à plusieurs reprises, des échauffourées éclatent avec les gendarmes, suivis d’arrestations et de condamnations. Lorsque la présence d’une usine remet à ce point en cause l’existence d’une population, elle l’exclue de fait des processus transactionnels amiables ou judiciaires habituels et ne lui laisse finalement d’autre choix que de s’inscrire dans une dynamique conflictuelle radicale. L’absence de réponses adaptées et rapides aux multiples appels à l’aide des villageois, conjuguée à la gravité économique et sanitaire de la situation et aux sentiments de marginalisation, d’abandon, d’inégalité, d’injustice et d’exaspération face à un industrialisme triomphant bénéficiant de tous les appuis politiques, ne donnent d’autres choix aux habitants de Saint-Mitre que de basculer dans l’illégalité et l’action violente. Quitte à mourir, autant que ce soit en luttant. La peur de la répression ne joue plus. C’est ce que constate le procureur du Roi en 1832 : « Les habitants de Saint-Mitre ont déjà devancé toutes les menaces de répression dont ils peuvent être l’objet, la captivité, l’infamie, l’échafaud ; tout leur parait préférable, et ils l’ont dit, à la mort hideuse qui s’élance sur eux au sein des miasmes qui moissonnent leur population ». Certaines de ces révoltes croisent la politique. C’est le cas en mai 1832, lorsque la révolte des villageois de Saint-Mitre est préparée par un groupe d’une dizaine de personnes, dont le maire Joseph Simiot proche des milieux républicains. Elle a été précédée d’un pique-nique où on a crié « Vive la République » et terminé la soirée en dansant une farandole dans les rues du village sur l’air de la Carmagnole en criant à nouveau « Vive la République » ou « Ça ira ! ». C’est encore le cas en avril 1844 lorsque le prêtre Courtès – qui s’était présenté contre Joseph Simiot aux élections municipales de 1843 – prend la tête de la révolte. La question des nuisances industrielles devient un enjeu municipal entre républicains et légitimistes.