Les usines procurent du travail aux populations des villages environnants, des débouchés à leur productions agricoles et contribuent à augmenter leur pouvoir d’achat, mais les dégâts occasionnés par leurs fumées chargées d’acide chlorhydrique ou de plomb n’en suscitent pas moins de vives inquiétudes et des tensions. Partout où elles s’implantent, elles provoquent des craintes que l’on retrouve dans le vocabulaire employé pour les désigner. Les riverains parlent de « villages industriels », de « villages de métal », de « volcans modernes » ou encore, de façon plus explicite, de « volcans artificiels au milieu des champs » qui « vomissent la mort ».
Les usines procurent du travail aux populations des villages environnants, des débouchés à leur productions agricoles et contribuent à augmenter leur pouvoir d’achat, mais les dégâts occasionnés par leurs fumées chargées d’acide chlorhydrique ou de plomb n’en suscitent pas moins de vives inquiétudes et des tensions. Partout où elles s’implantent, elles provoquent des craintes que l’on retrouve dans le vocabulaire employé pour les désigner. Les riverains parlent de « villages industriels », de « villages de métal », de « volcans modernes » ou encore, de façon plus explicite, de « volcans artificiels au milieu des champs » qui « vomissent la mort ».
Les habitants sont tout d’abord soucieux de leur santé. Ils craignent d’être empoisonnés à l’improviste, à la suite d’une explosion, ou d’une façon plus insidieuse, la nuit, quand tout le monde dort, lorsque les industriels profitent de l’obscurité pour pousser la production au maximum. Les fumées chargées d’acide chlorhydrique ou de plomb sont aussi accusées de détériorer les ressources : les collines environnantes ont perdu leur végétation et ne laissent plus entrevoir que la blancheur des blocs calcaires ; les champs, les oliviers, les amandiers, les figuiers et les arbres fruitiers sont brûlés ou ne produisent plus autant de fruits qu’autrefois ; en broutant ou en butinant les plantes empoisonnées par les rejets atmosphériques des usines, les troupeaux et les abeilles dépérissent. Dans la même logique, lorsqu’en 1821 l’industriel et banquier Jean-Baptiste Vidal songe à délocaliser son usine marseillaise dans le chenal de Caronte, il provoque la colère des saliniers et des pêcheurs, inquiets de l’impact des fumées sur les ouvriers des salins, la flore et la faune aquatiques ou sur le gréement des bateaux. Au-delà de la raréfaction des ressources, et de la baisse des revenus tirés de l’agriculture et de la pêche, les riverains protestent aussi contre la diminution irréversible de la valeur locative et vénale de leur propriété. La pollution porte atteinte à la rente foncière. Et dans plusieurs de leurs pétitions, ils concluent leur plaidoyer en rappelant que « s’il faut encourager l’industrie, il faut aussi, en première ligne, protéger la propriété foncière » et que si « le corps social peut exister avec plus ou moins de manufactures, il est perdu quand la propriété et l’agriculture sont en danger ». Dans le même registre, le Comte Alexandre de Galliffet, propriétaire de deux bordigues à Martigues, souligne qu’avant l’installation de l’usine Chaptal et Berthollet sur les rives de l’étang d’Engrenier, « les pauvres habitants de Fos » pouvaient y trouver une ressource complémentaire, mais que depuis « les eaux du dit étang sont devenues tantôt jaunes et jaunâtres, bleues, puis vertes », « les anguilles, les muges ont péri, les coquillages et favouilles ont disparu, et les pauvres gens de Fos et leurs enfants ont été privés de cette petite pêche ». L’industrie détruit les équilibres anciens du « pacte social » et aggrave la situation des plus démunis. Loin d’être anodines, ces réflexions interpellent les pouvoirs publics. Elles font directement référence au débat qui agite alors le gouvernement de la Restauration concernant l’identité économique de la nation. La France doit elle devenir un pays principalement industriel, comme le souhaitent certaines personnalités comme Chaptal ? Doit elle au contraire rester avant tout un pays agricole ? Derrière l’opposition aux usines, c’est aussi la question du devenir économique, social et environnemental de la France qui est ainsi posée.