Au début des années 1950, l’approche qui prévaut à l’égard des pollutions est encore héritée du XIXe siècle. Au-delà de quelques chercheurs soucieux d’initier des travaux sur les micro-particules – donc sur les polluants imperceptibles –, les populations riveraines de l’étang de Berre et du golfe de Fos conçoivent l’atteinte environnementale comme une nuisance visible qui obère certaines activités économiques et pratiques sociales. Il faut attendre les années 1970 pour qu’émerge un discours global de défense de la nature et du cadre de vie, sous l’influence d’une écologie politique en pleine structuration promouvant un autre modèle de croissance.
Au début des années 1950, l’approche qui prévaut à l’égard des pollutions est encore héritée du XIXe siècle. Au-delà de quelques chercheurs soucieux d’initier des travaux sur les micro-particules – donc sur les polluants imperceptibles –, les populations riveraines de l’étang de Berre et du golfe de Fos conçoivent l’atteinte environnementale comme une nuisance visible qui obère certaines activités économiques et pratiques sociales. Il faut attendre les années 1970 pour qu’émerge un discours global de défense de la nature et du cadre de vie, sous l’influence d’une écologie politique en pleine structuration promouvant un autre modèle de croissance.
Dans la continuité des décennies précédentes, la plupart des pollutions marines au large ou le long du littoral sont dénoncées par les usagers de la mer qui pâtissent directement de la contamination des eaux. Les signalements de nappes d’hydrocarbures à la surface des flots émanent avant tout des pêcheurs. Car la baisse des réserves halieutiques et la chute des ventes de poissons se sont accentuées depuis l’entre-deux-guerres, menaçant par là-même la survie de la profession.
Au lendemain de la guerre, les contestations s’élargissent aux exploitants des salins qui déplorent une altération de la qualité des récoltes en raison de la prolifération de matières huileuses à proximité des bassins de décantation et d’évaporation. La seconde moitié des années 1960 initie un virage dans la prise de conscience environnementale, sous l’effet de la médiatisation de certaines catastrophes, comme l’explosion à la raffinerie de Feyzin, près de Lyon, en 1966 ou la marée noire provoquée, l’année suivante, par le naufrage du pétrolier Torrey Canyon dans la Manche. L’implication grandissante des pouvoirs publics, les tentatives de réglementation, l’affirmation du rôle des experts dans l’étude des pollutions, le retentissement du « Rapport Meadows » sur les limites de la croissance (1972) et la structuration d’un « militantisme vert » sont autant de signes d’une montée en puissance des enjeux écologiques, désormais abordés comme un problème global face à l’opinion publique nationale et non comme simples objets de conflits entre les pollueurs et les victimes de nuisances.
Du point de vue des pionniers de l’écologie politique, la ZIP de Fos devient un exemple emblématique des dérives de l’économie productiviste fondée sur des industries prédatrices de ressources naturelles (sol, air, eau), destructrices des aménités environnementales (qualité du cadre de vie) et dangereuses, tant pour les travailleurs que pour les populations environnantes. En témoignent les critiques du groupe Survivre et vivre, co-fondé par le mathématicien Alexandre Grothendieck, qui a été l’un des premiers à parler du « monstre de Fos » (1972) et à qualifier « cette capitale pétro-sidérurgique du Marché commun » de « pari tragique ».