Usine de soude du Plan d’Aren - plan de 1850

L’usine de soude du plan d’Aren vers 1850

L’usine de soude du Plan d’Aren est la plus importante des usines de soude du Midi méditerranéen. Construite entre 1807 et 1809 à Fos, au bord de l’étang d’Engrenier, par Jean-Baptiste Chaptal et Amédée Berthollet pour un coût de 500 000 francs, c’est une entreprise intégrée. En 1819, date à laquelle elle est réorganisée sur des bases financières plus larges en adoptant le statut de société anonyme – la première du département –, elle comprend une saline pouvant produire jusqu’à 5 tonnes de sel par an, une fabrique d’acide sulfurique équipée de 10 chambres de plomb et une fabrique de soude dont la valeur de la production atteint 675 000 francs . Le site s’impose aussi par la variété des moyens mis en œuvre pour alimenter son salin avec les eaux de Lavalduc : deux moulins à vent, des vis d’Archimède et des pompes à feu. Suivant les conditions météorologiques, et les besoins de la production, les eaux de Lavalduc sont amenées dans le salin par une de ces trois technologies. L’entreprise est une bonne affaire pour ses actionnaires dont certains, comme Jean-Pierre Darcet, sont particulièrement influents dans les sphères scientifiques et politiques parisiennes . Entre 1819 et 1823, elle verse en moyenne un dividende annuel de 1 130 francs par action de 10 000 francs . L’usine de Chaptal est encore une des rares, avec celle toute proche de Rassuen , à s’être dotée, par nécessité – l’endroit était désert –, d’un embryon de cité ouvrière. Le plan dressé en 1850 montre que l’entrée principale de l’usine est encadrée par deux maisons à étage : la première, destinée au domicile du gérant et aux bureaux de la société ; la seconde, au logement des contremaîtres et des employés. À l’intérieur, des logements de plain-pied adossés à l’enceinte de l’établissement sont réservés aux familles ouvrières et aux ouvriers célibataires. C’est une sorte de petit village industriel dont le bâti reflète la hiérarchie sociale de l’usine. Les logements sont certes plus modestes et rudimentaires que les casernes à étages construites au Creusot dans la première moitié du XIXe siècle, mais ils répondent aux mêmes objectifs de stabilisation, de contrôle et de formation d’une main-d’œuvre encore peu habituée à se conformer aux exigences du travail en usine . L’implantation de l’usine du Plan d’Aren a toutefois d’importantes répercussions sur l’environnement : ses fumées chargées d’acide chlorhydrique détruisent la végétation et les cultures environnantes – ce qui pénalise d’autres activités comme l’élevage ou l’apiculture – dans un périmètre dont la surface varie suivant l’intensité de l’activité productive, la force et l’orientation des vents ; par ailleurs, l’écosystème qui s’était développé dans les eaux faiblement salées de l’étang d’Engrenier est complètement détruit par les rejets du salin de l’usine – notamment lorsque les tables salantes doivent être vidées de leurs eaux pour préparer la récolte du sel – qui provoquent une augmentation de sa salinité jusqu’à 15° Baumé et par les déversements récurrents des eaux usées ou des scories de la production . De l’aveu même du comte Louis François Alexandre de Galliffet, propriétaire de l’étang d’Engrenier et des terrains loués à Chaptal et Berthollet pour qu’ils puissent construire leur établissement, « les eaux du dit étang sont devenues tantôt jaunes et jaunâtres, bleues, puis vertes (…), les anguilles, les muges ont péri, les coquillages et favouilles ont disparu, et les pauvres gens de Fos et leurs enfants ont été privés de cette petite pêche » . La destruction de l’ancien écosystème se répercute ainsi sur les équilibres traditionnels du « pacte social » et précarise l’existence de ceux qui en dépendent.